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"Alice et Martin" |
Des personnages qui comptent.
Le réalisateur raconte une vraie histoire d'amour entre Alice et Martin, le cinéaste ne nous avait pas habitué à une passion réciproque : ici, les personnages sont prêts à partager, à donner d'eux-même pour réussir. Même sur ce registre, Téchiné a trouvé le bon tempo : au fil des semaines, leur relation évolue et gagne en intensité. Les dialogues contribuent pour beaucoup à la qualité du film : André Téchiné, entouré de Gilles Taurand et d'Olivier Assayas, n'avait encore jamais utilisé le langage de tous les jours pour révéler de manière aussi juste le caractère de chaque personnage. Les auteurs ont notamment écrit des scènes hilarantes entre Alice et Benjamin, entre la jeune femme et la mère de Martin (Carmen Maura) qui nous en apprennent plus sur eux qu'un long discours. Les acteurs n'ont jamais été aussi naturels chez Téchiné que dans ce film. Le cinéaste n'a pas pour autant renoncé à la tragédie et à ses personnages tourmentés. Martin (Alexis Loret) ressemble à tous les héros du cinéma de Téchiné : le jeune homme de vingt ans est introverti et cache une blessure. C'est le genre de garçon buté qui vous file entre les doigts, qui est incapable d'aimer simplement et d'être heureux. La fuite du héros au début du film puis plus tard les angoisses du jeune Martin en Espagne restent d'ailleurs les deux passages les moins réussis du film. Dans ses précédents longs-métrages, André Téchiné se contentait de filmer le désordre intérieur de son personnage sans jamais incarner ses problèmes, ses héros avaient un comportement inexpliqué et l'action se réduisait en général à des scènes d'hystérie à n'en plus finir. Dans "Alice et Martin", le cinéaste utilise un flash-back pour mettre en lumière le trouble du héros. Ce n'est pas la révélation des drames qui importe mais la représentation très réussie de l'univers familial de Martin. Le scénario ambitieux prend même une direction surprenante, lorsque Alice achève seule le portrait du jeune homme en allant à la rencontre de sa famille. Au centre d'"Alice et Martin", surgit la question du père : comment devenir un adulte si l'on n'a pas réglé ses propres problèmes avec son père, si on ne s'est pas détaché de lui, de son influence. Cette question n'a rien d'original mais Téchiné s'en sort bien : Martin essaie de trouver un moyen de surmonter son complexe, il agit, là où le héros "téchinien" aurait continué à vivre avec ses tourments et à souffrir. "Alice et Martin" est une bonne surprise.
Florence Guernalec
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