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"Chat noir, chat blanc "
de Emir Kusturica



synopsis

fiche technique

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Le plaisir en tête.


Il suffit d'un patriarche à l'article de la mort et habile du révolver pour mettre tout le monde d'accord. "Chat noir, chat blanc" est le film de la réconciliation, celle de Emir Kusturica avec le cinéma après sa "retraite anticipée", celle des familles au sang chaud. Le vieux a un faible pour la fin de Casablanca, il se repasse toujours la même scène où Humphrey Bogart dit à Claude Rains : "Je pense que c'est le début d'une nouvelle amitié." Ce sage porte sur sa poitrine le bijou de la réconciliation, celui qui unit à jamais l'étoile de David des juifs, la croix des chrétiens et le croissant des musulmans. Dans "Chat noir, chat blanc", les contraires s'attirent.

Chat noir. Tout va de mal en pis : anarques, dettes, mariage arrangé, c¦urs brisés et c¦urs solitaires... Les personnages ont la poisse, c'est sûr. Chat blanc. Tout n'était qu'un affreux malentendu, les différents s'évanouissent comme par miracle. Kusturica met de côté les sujets qui fâchent pour retrouver la légèreté qui avait fait le succès de son Temps des gitans. Il plonge sa caméra dans l'univers baroque et pitorresque de la communauté tzigane pour des aventures encore plus dingues et folles qui trouvent leur point d'orgue dans une course poursuite finale en forme d'hommage au burlesque américain.

Il y a quelque chose de spontané, de brut, d'entier chez ses personnages. Ce sont des flambeurs qui jouent leur vie sur un coup de dés, ils se voient comme des princes et s'habillent comme des macs : chapeau mou et bijoux en or sur la poitrine et aux poignets, ils trimballent leurs bonne humeur partout, sourient jusqu'aux oreilles, chantent du Abba, dansent sur de la musique tzigane et tirent en l'air quand ça leur chante. Ses personnages vivent dans des endroits invraisemblables peuplés d'animaux et d'objets insolites. Ils mélangent tout, les affaires de famille et les affaires d'argent, la vie est un cadeau qu'on brûle par les deux bouts. Dans ce monde à part, avec ses rites, ses codes et son économie parallèle, le spectateur est bien incapable de dire où commence la réalité, où commence la fiction, et après tout peu importe.

On connaît l'amour de Emir Kusturica pour les images surréalistes voire oniriques comme celle de ce douanier mort, suspendu à une barrière avec un parapluie à fleurs dans une main et une serviette dans l'autre. Et on connaît le goût du cinéaste pour les situations triviales telles la chanteuse à la banane façon "Leningrad cowboys" de Kaurismäki qui possède le don d'enlever des clous avec son postérieur ! Trivial encore, l'image du petit truand qu'on fait tomber dans les lattrines.

Kusturica ne s'est rien refusé, même pas un "Happy end" en toutes lettres. "Chat noir, chat blanc" est un film libre et joyeux comme on n'en fait plus.

 

Florence Guernalec

 

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