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"Godzilla" |
Pas si bête.
Le cinéaste allemand n'ignore pas que c'est dans les vieux pots qu'on réussit les meilleurs plats : Roland Emmerich s'est donc contenté de recycler les classiques du genre, à commencer par Godzilla lui-même, le monstre est le fruit d'un accident nucléaire comme dans les films japonais tournés dans les années 50 ; la créature ressemble comme deux gouttes d'eau à celles de "Jurassic Park", le choix de la ville New-York rappelle "King Kong", les combats aériens dans le dédale de gratte-ciel font penser à "La Guerre des étoiles", les couloirs du Madison Square Garden ressemblent au vaisseau d'Alien et les bébés Godzilla affamés attaquant les sacs de pop-corn, rappellent les Gremlins régnant sur le comptoir à confiseries de la Clamp Tower... Les ficelles scénaristiques sont aussi grosses que dans Independence Day. Roland Emmerich s'est inspiré de la réalité pour donner un maximum de vraisemblance à son récit, le procédé est classique, seulement le cinéaste lie dans un rapport de cause à effet, les essais nucléaires français dans le pacifique et les mutations génétiques de la faune autour de Tchernobyl. L'humour qui ponctue le film à intervalle régulier, semble faire partie du cahier des charges que s'est imposé le réalisateur : Roland Emmerich alterne mécaniquement scènes de détente et scènes d'action : l'humour potache du cinéaste prend un relief particulier en France car c'est essentiellement à Jean Reno qu'il revient de faire sourire le spectateur, le public appréciera sans doute plus que partout ailleurs son personnage de français bougon qui imite les américains avec l'accent d'Elvis et une boule de chewing-gum... La partie du film la plus intéressante est celle qui rassemble l'agent secret français (Jean Reno), le scientifique américain (Matthew Broderick) et les deux journalistes : lorsque le groupe doit lutter contre les monstres pour sauver leur peau, "Godzilla" devient alors un pur film d'angoisse, il est assez facile de se laisser prendre à ce jeu du chat et de la souris. La question n'est évidemment pas de savoir si les héros s'en sortiront mais comment. Des poursuites dans un Madison Square Garden aux mains de centaines de bébés Godzilla à la lutte finale entre le monstre et les héros circulant en taxi sur le Brooklyn Bridge, il est amusant de voir comment les personnages se tirent des situations les plus désespérées, comment les scénaristes jouent avec nos nerfs. Le jeune spectateur à qui le film est destiné, n'aura pas de mal à s'identifier à Matthew Broderick, jeune acteur imberbe aux airs d'adolescent qui fait équipe avec Jean Reno. L'un est viril, l'autre pas. Auparavant, le spectateur doit assister à une longue et peu excitante mise en place de la situation : réunions et logistique de l'équipe militaire et scientifique, espionnage des agents secrets français, enjeux politiques du maire, journalistes à la recherche du scoop. Au cours de cette première partie, Roland Emmerich ne filme pas Godzilla, mais les dégâts matériels provoqués par son passage. C'est bien peu pour titiller notre curiosité et faire monter l'angoisse chez le spectateur d'autant que le cinéaste a soigneusement évité toute image sanglante qui aurait montré la bête massacrant la foule new-yorkaise. Au fond, si Godzilla n'est pas une créature très méchante, mais simplement une mère attentive, c'est uniquement pour des raisons commerciales et non d'hormones : "Godzilla" est un film pop-corn destiné à toute la famille.
Florence Guernalec
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