Leconte magicien.

Jusqu'ici, Adèle (Vanessa Paradis) n'a pas eu de chance avec les hommes, mais voilà que Gabor (Daniel Auteuil) apparaît dans sa vie tel un sauveur et leur destin change du jour au lendemain. "La Fille sur le pont" ressemble à un rêve dont Patrice Leconte en serait le maître-d'oeuvre. Le cinéaste orchestre la rencontre entre Adèle et Gabor dans un décor de conte de fées : la jeune femme est prête à faire le grand saut, à se jeter du haut d'un pont de Paris mais il la retient, le lanceur de couteaux est à la recherche d'une partenaire pour son numéro, d'une femme qui n'a plus rien à perdre. Leur association marque le début d'une histoire merveilleuse : depuis qu'ils passent de salles de spectacles en Casinos, de la Côte d'azur à l'Italie, tout leur réussit, rien ne peut les atteindre, ils sont immortels. Les deux âmes perdues se sont trouvées et font des étincelles. 

"La Fille sur le pont" est une oeuvre fragile, on sent que le film peut, à chaque instant, "se casser la gueule" car Patrice Leconte joue les funambules dans cette histoire invraisemblable, le cinéaste met en scène un amour pur entre deux personnes irréelles dans des décors improbables, Paris et la Seine, Monaco et ses palaces, le pont d'un bateau de croisière. La photo noir et blanc place leur aventure hors de tout réalité. Mais derrière cette légèreté affichée se cache une oeuvre ambitieuse : Patrice Leconte filme la complicité qui unit deux êtres, les deux héros lisent dans les pensées de l'autre et communiquent à distance. Le cinéaste montre que non seulement l'amour rend heureux, mais qu'il rend plus fort et permet de soulever des montagnes. Le scénariste Serge Frydman a choisi le biais de la chance pour incarner à l'écran, cette fusion parfaite et entière de deux personnes : Adèle et Gabor gagnent au Casino, gagnent à la tombola... C'est la preuve qu'il existe un lien exceptionnel entre eux.

"La Fille sur le pont" offre au spectateur un voyage peu commun avec deux acteurs portés par les dialogues de Serge Frydman : ses mots teintés de traits d'esprit, de légèreté, ont un souffle, une dynamique qui entraînent le film dans le tourbillon de la vie. Hélas, dans une deuxième partie, le rêve tourne au cauchemar, Adèle quitte Gabor et les ennuis commencent, la chance leur tourne le dos. Le constraste est trop évident, trop simple, trop démonstratif pour que leur nouveau destin présente un quelconque intérêt. Comme ils n'existent pas l'un sans l'autre, leur séparation provoque leur chute de l'Olympe, et annule la raison d'être du film. Patrice Leconte gâche un peu ce conte de fées et achève son rêve sur un happy-end très convenu.

Florence Guernalec