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"La Ligne rouge" |
A la vie, à la mort.
A ce "Verdun du pacifique", Terrence Malick oppose la vie : un coin de nature sauvage, des enfants mélanésiens qui jouent dans l'eau, le visage d'une femme aimée. "La Ligne rouge" est truffé de moments suspendus où Terrence Malick contemple, la beauté du monde vivant, les soldats respirent au milieu d'une végétation abondante et d'animaux rares de cette île vierge. Le cinéaste filme les Marines allongés dans l'herbe. Au-dessus d'eux, des arbres immenses forment une voute céleste. "La Ligne rouge" ne se regarde pas comme on tourne une page d'Histoire, les manoeuvres militaires ne représentent qu'une partie de ce film ambitieux. Terrence Malick s'intéresse plutôt à l'Homme. Le réalisateur cherche à réconcilier la vie et la mort. Le soldat Witt (Jim Caviezel), personnage central du film et sans doute double du cinéaste, traverse cette guerre avec la plus grande sérénité. Il ne tente pas de se battre contre son destin, il ne se lamente pas sur son sort mais Witt savoure chaque instant passé sur l'île, chaque moment de grâce. Malick sait trop bien qu'il faut que la mort vous frôle pour que l'on apprécie les plaisirs de la vie. Witt regarde le monde qui l'entoure avec des yeux émerveillés, il affiche un sourire enfantin. C'est un homme calme, tranquille et heureux qui n'a pas peur de mourir. En voix-off, les soldats expriment leur perplexité face aux sacrifices humains, face à l'absurdité de la guerre, ils s'adressent à Dieu ou préfèrent se raccrocher à l'image de leur femme. Le cinéaste se demande pourquoi l'Homme emploie toute son énergie à gâcher et à piétiner la vie. En ouverture du film, une voix-off dit : "D'où vient ce mal ? Comment s'est-il glissé ? Quelles sont ces racines ?" Terrence Malick est trop malin pour apporter une réponse, il nous invite à réfléchir, à nous interroger sur notre nature destructrice, notre soif de pouvoir et de victoires. "La Ligne rouge" n'est pas un film sur la guerre et contre la guerre, Terrence Malick dépasse heureusement le discours humaniste convenu qui consiste à dénoncer les horreurs du passé et à préférer la commémoration à l'action. La Ligne rouge est l'oeuvre d'un cinéaste qui vit dans le présent, d'un homme dépouillé de toutes les vanités de ce siècle et qui parle du bonheur d'être en vie.
Florence Guernalec
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