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"L'Anglais"
de Steven Soderbergh




synopsis

fiche technique

site officiel

Exercice de style.


"L'anglais" est un film langoureux, qui se fait désirer. Steven Soderbergh se démarque des histoires linéaires toutes bêtes, des films qui carburent aux amphétamines et courent de manière hystérique après le temps. Contrairement à ses confrères, le cinéaste américain n'a pas peur que le spectateur s'ennuie. Le rythme du film est dicté par le personnage central, Wilson (Terence Stamp) : le visage impassible, "the limey" ("l'angliche"), ne se départ pas de son air apathique. La vengeance est un plat qui se mange froid.

L'intérêt de ce film tient beaucoup dans une mise en scène très habile et audacieuse dominée par un montage très inventif : Soderbergh dissocie images et dialogues, déconstruit le temps menant de front, deux scènes qui se suivent chronologiquement. Le cinéaste privilégie l'image à la voix-off, filmant ce que son héros a en tête plutôt que de nous le dire platement. Soderbergh concentre notre attention sur l'essentiel, son héros : il n'a pas besoin d'utiliser d'artifices, sa présense suffit à remplir le cadre comme dans ces plans montrant Wilson marchant le long d'un mur de briques. La musique élégante de Cliff Martinez, située à l'opposée des casse-noisettes des blockbusters, achève de donner à ce film, le label auteur. Un profil irréprochable.

Pour autant, "L'Anglais" ne satisfait pas totalement. La mise en scène, tout seule, ne peut suffire à maintenir notre intérêt jusqu'au bout. Le film repose sur une histoire bien trop ténue : Wilson, le voleur professionnel, l'ex-taulard, débarque à Los Angeles pour tuer l'homme (Peter Fonda) supposé responsable de la mort de sa fille, Jennifer. Intraitable et imperturbable, droit comme un i, "the limey" avance vers son but, la machoire serrée et s'exprime avec un accent anglais prononcé, franchement ridicule. Les américains ne comprennent d'ailleurs pas bien ce qu'il dit alors que les deux pays ont une Histoire, une culture et une langue communes. "The Limey" n'est pas dépourvu d'ironie. 

"L'anglais" fait partie de ces films qui dévoilent tout leur sens qu'à la dernière image. Lorsque Wilson et Valentine se retrouvent enfin face à face, "l'angliche" comprend tout d'un coup qu'ils se ressemblent : ils appartiennent à la même génération, ils ont un passé trouble et ils se sont tous les deux heurtés à la probité de Jennifer. Wilson réalise que tuer Valentine, équivaut à se tirer dessus. En poursuivant ce producteur de disques trafiquant de drogue à ses heures perdues, il n'a fait que courir après lui-même : cette escale en terre inconnue, lui a permis de faire son examen de conscience, de comprendre quel homme et quel père il a été, loin de ses terres, les souvenirs sont remontés à la surface et lui ont ouvert les yeux.

"L'Anglais" s'apparente plus à un brillant exercice de style qu'à une envie de faire vivre des personnages et de nous faire partager leurs émotions. Néanmoins, Soderbergh reste proche de ses héros, il n'intellectualise pas leurs pensées ou leurs comportements, préférant toujours mettre en images leurs actions plutôt que les raconter.

 

Florence Guernalec

 

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