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"Le Créateur" |
100% catho. Darius (Albert Dupontel) a des ennuis : il a oublié d'écrire la pièce qu'on lui avait commandée pour la rentrée alors que l'événement est annoncé dans la presse. Il ne lui reste que quelques semaines pour "pondre" une oeuvre. Darius a d'abord l'angoisse de la page blanche. Chez Dupontel, créer est une souffrance, un accouchement dans la douleur. Au royaume d'Albert, il n'y a pas de plaisir, chacun est condamné à porter sa croix. Dupontel connaît son cathéchisme par coeur. En bon chrétien, Darius se culpabilise au lieu de s'apitoyer sur son sort. Il se rendra coupable de plusieurs sacrifices (humains) pour sauver sa tête : en essayant de réparer sa faute originelle, il commet d'autres péchés qui font de lui un pénitent perpétuel. La conscience de l'infortuné Darius est assaillie par les remords et par la peur de voir les foudres de l'enfer s'abattre sur lui. Il y a dans le Créateur, un plaisir visuel indéniable. Chaque scène est travaillée, stylisée. Dupontel utilise beaucoup de plans en plongée et contre-plongée, le travelling circulaire... Le réalisateur s'accorde tous les droits, même celui de zigzaguer avec sa caméra. Le revers de la médaille, c'est que le spectateur a la sensation permanente de regarder une équipe technique au travail tellement les effets sont voyants et paraissent parfois gratuits comme cette caméra subjective où le spectateur voit la scène du point de vue du chat ou de l'ordinateur de Darius. De même, lorsque l'accessoiriste est filmé en gros plan, face à la caméra et s'adresse à nous à la manière des apartés utilisés au théâtre, Dupontel sort du cadre du film et met son histoire en danger. La véritable faiblesse du "Créateur" se trouve cependant dans les personnages qui entourent Darius, les différents protagonistes s'avèrent plus grotesques que réellement humains : Simon l'accessoiriste dénigre comme une vieille sorcière l'actrice vedette, cette dernière est si bête qu'elle semble toute droit sortie d'une sitcom, le directeur du théâtre est d'un optimisme béat qui défie l'intelligence, le voisin de palier un peu trop niais pour être honnête et le prêtre d'une méchanceté qui fait penser que "l'habit ne fait pas le moine". Seul, Darius ne nous prend pas à rebrousse-poil. L'air naïf et la timidité de cet homme au supplice nous séduisent. Malgré toutes les réserves que l'on peut avoir sur "Le Créateur", le film d'Albert Dupontel fait montre d'une certaine tenue et d'une bonne dose d'intelligence, deux qualités plutôt rares dans un genre qui tombe facilement dans une vulgarité et une bêtise abyssales. Sans être une vraie réussite, "Le Créateur" est plutôt une bonne comédie noire.
Florence Guernalec
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