Des coups de pied dans la fourmilière.

La petite provinciale tombe de haut. Frédérique (Valérie Lemercier) découvre que le père (Claude Rich) qu'elle n'a jamais connu est homosexuel et vit en ménage avec un proctologue (Dieudonné). Lorsqu'elle croise son géniteur Pierre Arroux dans un ascenseur, il a un regard condescendant. Frédérique pense alors que pour se rapprocher de lui, elle doit lui ressembler : la jeune femme devient Frédéric, un jeune homo au look techno branché, elle prend l'accent du sud et se trimballe un air de petit garçon timide au manières éfféminées. L'attitude de Pierre Arroux change puisqu'il "le" salue avec un sourire.

Comme dans le théâtre de boulevard, le comique du film repose en grande partie sur le quiproquo. Pour Pierre et son ami, Frédérique est une "folasse". Pour les spectateurs, complices de la grossière supercherie, son travestissement s'apparente à une bonne blague. Les deux vies de l'héroïne se téléscopent : Frédérique se retrouve nez à nez avec son père alors qu'elle est habillée en fille et face à son fiancé quand elle est en garçon...

Dès lors, les situations de comédie étaient faciles à trouver à l'image de ces scènes où Frédérique est contrainte d'utiliser les toilettes des hommes ou de faire semblant de faire pipi debout. Il y a chez Valérie Lemercier un vrai goût pour le trivial, pour tout ce qui touche au bas-ventre. L'auteur-réalisateur se laisse aller à des facilités comme la séquence chez le proctologue ou la scène de la saillie, elle s'éloigne quelque peu de son sujet, casse le ton faussement naïf qu'elle a réussi à insuffler à l'histoire de cette Bécassine chez les homos.

"Le Derrière" n'est pas qu'une simple comédie légère, Valérie Lemercier cherche à déranger le spectateur : l'allure efféminée de Frédéric met mal à l'aise, les homosexuels comme les hétéros, "la fiotte" ébranle sérieusement les grands principes de tolérance du milieu intellectuel de son père, conservateur de musée. Lorsque Pierre le surprend en femme, il la prend pour un travelo, c'en est trop. Moralité de cette histoire, la différence n'est acceptable que si elle ne se voit pas à l'oeil nu : ainsi, Pierre Arroux continue d'entretenir les apparences en conviant une amie à ses côtés pour les inaugurations officielles. Comme son père, Frédérique fait l'expérience de ce jeux de dupes qui enferme dans un carcan plus qu'il ne libère.

Valérie Lemercier s'en tire pas mal dans le rôle totalement "casse-gueule" du vilain petit canard, du mal aimé, car au fond, son personnage de Frédéric est plus émouvant que grotesque. Et Claude Rich démontre une nouvelle fois qu'il est un acteur hautement subtil. Avec sa soeur Aude, Valérie Lemercier a écrit un scénario qui tangue entre le comique de boulevard le plus grossier et un humour grinçant salutaire.

Florence Guernalec