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"L'Ennui" |
Fabriqué. La petite quarantaine, prof de philo, Martin est séparé de sa femme depuis six mois, il est dans un état fébrile lorsqu'il rencontre Cécilia. La jeune fille de dix-sept ans, n'est pas compliquée, elle aime les plaisirs charnels, un point c'est tout. Elle vient chaque jour à son appartement pour faire l'amour puis repart aussi vite qu'elle est entrée. Rien d'autre que le sexe ne les rapproche, ils n'ont rien à partager. Chez Cédric Kahn, la chair est triste : les ébats du couple ressemblent à une mécanique froide. Martin perd pied petit à petit, il devient de plus en plus pressant et agressif, de plus en plus dépendant d'elle au fur et à mesure que la jeune fille s'éloigne de lui. Les personnages ont quelque chose d'iréel, de fabriqué, leur comportement rassemble tous les paradoxes : Martin le philosophe agit avec son coeur, fait preuve d'une sensibilié féminine, Cécilia, la grande prêtresse de la chair, est froide, elle traîne un air détaché, ne met pas plus d'émotion dans ses paroles que dans ses actes. Le plus âgé des deux est nerveux, la jeune fille demeure, en toutes circonstances, d'un calme olympien. Ce n'est pas un personnage, c'est un fantasme. En écoutant son portrait, l'ex de Martin (Arielle Dombasle) pense d'ailleurs que Cécilia n'existe pas, que celui-ci l'a inventée. "L'Ennui" ne mène nulle part car la situation du "couple" est sans issue. Cédric Kahn finit par engluer son film dans la crise que traverse son héros, par ne plus filmer que les mêmes scènes, les mêmes postures d'un Martin qui frise l'hystérie, et devient tellement possessif qu'il finit par la surveiller. Son attitude est si ridicule qu'elle prête à rire, et rend la vision de "L'Ennui" moins pesante : Cédric Kahn met en scène un Martin fiévreux lui téléphonant à tout propos, posant des questions sur son emploi du temps et vérifiant ses "alibis", menant ses interviews comme un interrogatoire de police. Il lui fait la morale et la gronde comme une petite fille, lui dit combien il est mal de mentir et d'avoir deux amants. Les deux acteurs jouent une étrange partition : Charles Berling emploie un ton péremptoire pendant tout le film et Sophie Guillemin dit toutes ses répliques avec la même voix monocorde. Leur interprétation accentue l'aspect irréel d'un film qui s'éloigne un peu plus de nous à chaque minute qui passe.
Florence Guernalec
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