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Point de vue sur trois films
pour les filles
"Avec ou sans hommes",
"Beignets de tomates vertes", "Thelma et Louise"
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Fini
les années 70 et le tout unisexe, les femmes ne sont pas des hommes et
inversement ! La politique fiction a vécu. "Boys on the side"
donc, est un film pour les filles*, dans la veine de "Beignets de
tomates vertes" et de "Thelma et Louise"*. Les hommes qualifieront
ces films de "féministes", histoire de réduire ces comédies dramatiques
à une réunion du MLF... Ce qui est sûr, c'est que ces trois longs-métrages,
réalisés par des hommes, font partie d'un même courant : le film d'apprentissage
à l'usage des filles qui veulent sortir du placard.
Après l'érotisme triomphant des années 80, les femmes réagissent : Callie
Khouri, scénariste de "Thelma et Louise" et Fannie Flag, auteur
de "Beignets..." sonnent la charge. Mais ici, point de vengeance
de furies brandissant un pic à glace, point de revendications mais juste
le besoin d'un peu d'air et de voir du pays : les héroïnes entament un
parcours initiatique en forme de road-movie, de voyage dans le temps*
où elles gagnent leur indépendance sur des routes semées d'embûches. Cette
liberté ne se conquiert pas seule. Les couples et le trio qui se forment
n'ont pas grand chose en commun, mais ces femmes ont suffisamment d'humour
et d'énergie pour dépasser leurs différences et se dire au passage quelques
vérités : les femmes ne sont jamais aussi directes que lorsqu'elles disent
du mal du mari de leur meilleure copine... Ces filles ordinaires confrontées
aux lois des hommes se révèlent capables de toutes les audaces*, le "sexe
faible" triomphe grâce à son pragmatisme. Au cinéma, la solidarité féminine
fait des miracles et les filles sont sacrément "fortiches".
Les hommes ne sont pas pour autant exclus de cet espace conquis, ils ne
sont pas les victimes de leur émancipation, tout juste des obstacles :
les femmes ne leur demandent pas des comptes mais elles savent le cas
échéant rendre la monnaie de leur pièce. En trois films, le bilan se monte
à trois morts, un violeur et deux maris violents, c'est quand même moins
que dans "Rambo" ou "Terminator". Qui a dit que les
femmes n'avaient pas le sens de la mesure ? Les hommes ne sont pas montrés
sous leur meilleur jour, c'est vrai, ils sont caractériels ou affreusement
bêtes. Mais ces femmes n'éprouvent pas le besoin de déterrer la hache
de guerre comme le ferait une espèce menacée, elle essaient seulement
d'apprendre aux hommes les bonnes manières même si les résultats sont
plutôt décevants*. Et puis, la gent féminine n'est pas épargnée : soit
l'héroïne est une rebelle et alors elle se comporte comme un mec, soit
elle est une nunuche pleurnicharde perdue sans son homme... mais en général,
celle-là apprend vite et s'adapte très bien. Si les couples légitimes
ne résistent pas à l'appel de la liberté c'est parce qu'entre filles,
on rigole beaucoup plus qu'avec les garçons. Et quand les femmes ont commencé
à faire les folles, il est absolument impossible de les arrêter. Dans
ces trois films, le mecs savent mieux se servir de leurs poings que de
leur langue*, les sociologues diraient qu'ils souffrent d'un "déficit
communicationnel" ! Les films de Herbert Ross, Jon Avnet et Ridley Scott
révèlent finalement la grande tragédie humaine qui sépare les deux sexes
depuis Adam et Eve : les hommes manquent de conversation...
Au terme de ces voyages, les scénaristes redescendent sur terre pour nous
priver de Happy-end, les femmes sont punies pour leur audace. Même au
cinéma, les filles ne "font pas la pluie et le beau temps". Mais qu'on
ne s'y trompe pas, "Boys on the side", "Beignets de tomates
vertes" et "Thelma et Louise" appartiennent bel et bien
à la veine des feel-good movie. Les accidents de parcours ne parviennent
pas à gâcher notre plaisir et à nous empêcher de sortir de la salle avec
la banane.
Florence
Guernalec
*
Cf l'article de Malibu paru dans le courrier des lecteurs de Première
(n° 219 p 3, juin 1995) qui divise les films en trois catégories
: les films pour les filles, les films pour les garçons et les films mixtes.
* N'oublions pas en France, l'excellent "Personne ne m'aime"
de Marion Vernoux... qui mérite beaucoup mieux qu'une simple note en bas
de page, que la réalisatrice me pardonne.
* Dans "Beignets...", une femme au foyer des années 90, vit
par procuration le destin de deux "femmes libérées" du début du siècle
selon le procédé du film dans le film.
*Dans "Thelma et Louise", Geena Davis est une femme au foyer
un peu cruche qui devient une pro du braquage d'épiceries et réussit avec
le même naturel à neutraliser un policier. Dans "Beignets...",
Mary Stuart Masterson fait des côtelettes avec un cadavre encombrant.
* Même menacé d'un révolver, le camionneur de "Thelma et Louise",
refuse de faire des excuses pour ses gestes obscènes.
* Dans "Boys...", le petit ami de Drew Barrymore aboie au lieu
de parler et la bat, idem pour Mary Louise Parker dans Beignets... Michael
Madsen est incapable de dire trois phrases à la femme qu'il aime mais
réussit sans mal à détruire le mobilier ("Thelma et Louise").
"Lorsque "9 semaines et demi" a fait de Kim Basinger une star
du jour au lendemain, j'ai compris que l'image de la femme allait en prendre
un coup. Aujourd'hui, le même phénomène se reproduit avec des films comme
"Basic Instinct" ou "La main sur le berceau". Voilà
deux rôles dont je n'aurais absolument pas voulu. Ces femmes-là ne sont
que le fruit de fantasmes masculins. C'est le reflet effrayant de la manière
dont l'Amérique considère les femmes aujourd'hui. Je ne crois pas que
ce soit ainsi en Europe. Il y a trente ans, les actrices avaient la possibilité
d'incarner des femmes fortes, passion-nantes, complexes. Nous allons à
reculons dans ce domaine et c'est une honte." Andie MacDowell -
Première n°197 p9 (août 1993)
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