thé, crackers et cinéma
a r c h i v e s
 



Numéro 11
12 Avril 1995
Cher Wong Kar-Wai,


Sommaire
"Chungking Express"
de Wong Kar-Wai


fiche technique et artistique



























Votre film m'a captivée. J'ai été séduite par "Chungking Express" comme on peut être attiré instantanément par une personne, sans trop savoir pourquoi... C'est sans doute parce que vous créez des promesses. Vous nous surprenez constamment. Les personnages n'agissent jamais comme on l'imagine, toutes nos anticipations tombent à l'eau. Et comme des gamins, on ne veut pas sortir de la salle avant d'avoir vu la fin.

"Chungking Express" n'est pas envoûtant comme l'excellent "Exotica" d'Atom Egoyan, mais à l'instar du réalisateur canadien, vous caressez vos personnages, vous effleurez leurs sentiments, vous entretenez tout un mystère autour d'eux. Vous créez une frustration positive : si vous semblez coller au plus près de vos protagonistes, vous montrez finalement assez peu. Il ne se passe rien entre vos deux "couples". Et comme vous évitez soigneusement toute scène explicative, votre film porte en lui une légèreté rafraîchissante. "Chungking Express" commence comme un film de John Woo. On s'attend à un thriller haletant, mais cela aurait été trop simple, votre polar sur le trafic de drogue à Hong-Kong se mue en une comédie romantique. On regrette un peu ce glissement progressif vers ce ton fleur bleue, le ballet des corps des premiers plans avait une saine violence. J'aurais aimé que les personnages soient poussés dans leurs derniers retranchements, que leurs actes soient une question de vie ou de mort comme dans "The Crying Game". Il manque un véritable enjeu pour qu'on s'enflamme...

Le flou artistique des premières images laisse la place au flou des échanges entre les individus : vos personnages se frôlent - physiquement et intellectuellement - sans jamais se rencontrer, chacun est pris dans ses "Love Streams". Vos jeunes adultes paraissent assez immatures - l'un des deux policiers se confie à ses peluches ! - mais c'est ce qui fait leur charme. Vos hommes ont des chagrins d'amour et cela les rend poétiques : ils se plaisent à penser que leurs objets familiers pleurent avec eux.... Les femmes, elles, sont mystérieuses et compliquées ! Elles font tourner les têtes et bouleversent le cours des destins. Votre première héroïne, perruque blonde et lunettes noires, joue les femmes fatales. Et votre jeune fille en fleur rêve d'Amérique sur la chanson des Mamas and Papas, "California Dream". Avec vous, le cinéma paraît tout simple...

 

Florence Guernalec



A lire dans Courrier international du 6 avril 1995 (n°231 p 9 à 12), les articles du Time, de Business Week... sur DreamWorks SKG. Personne ne peut dire aujourd'hui ce que l'association Spielberg-Katzenberg-Geffen va produire mais tout le monde en parle. Seul véritable intérêt de ce dossier : faire réfléchir les européens sur leur industrie artisanale !

 

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