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Votre
film m'a captivée. J'ai été séduite par "Chungking Express"
comme on peut être attiré instantanément par une personne, sans trop savoir
pourquoi... C'est sans doute parce que vous créez des promesses. Vous
nous surprenez constamment. Les personnages n'agissent jamais comme on
l'imagine, toutes nos anticipations tombent à l'eau. Et comme des gamins,
on ne veut pas sortir de la salle avant d'avoir vu la fin.
"Chungking Express" n'est pas envoûtant comme l'excellent "Exotica"
d'Atom Egoyan, mais à l'instar du réalisateur canadien, vous caressez
vos personnages, vous effleurez leurs sentiments, vous entretenez tout
un mystère autour d'eux. Vous créez une frustration positive : si vous
semblez coller au plus près de vos protagonistes, vous montrez finalement
assez peu. Il ne se passe rien entre vos deux "couples". Et comme vous
évitez soigneusement toute scène explicative, votre film porte en lui
une légèreté rafraîchissante. "Chungking Express" commence comme
un film de John Woo. On s'attend à un thriller haletant, mais cela aurait
été trop simple, votre polar sur le trafic de drogue à Hong-Kong se mue
en une comédie romantique. On regrette un peu ce glissement progressif
vers ce ton fleur bleue, le ballet des corps des premiers plans avait
une saine violence. J'aurais aimé que les personnages soient poussés dans
leurs derniers retranchements, que leurs actes soient une question de
vie ou de mort comme dans "The Crying Game". Il manque un véritable
enjeu pour qu'on s'enflamme...
Le flou artistique des premières images laisse la place au flou des échanges
entre les individus : vos personnages se frôlent - physiquement et intellectuellement
- sans jamais se rencontrer, chacun est pris dans ses "Love Streams".
Vos jeunes adultes paraissent assez immatures - l'un des deux policiers
se confie à ses peluches ! - mais c'est ce qui fait leur charme. Vos hommes
ont des chagrins d'amour et cela les rend poétiques : ils se plaisent
à penser que leurs objets familiers pleurent avec eux.... Les femmes,
elles, sont mystérieuses et compliquées ! Elles font tourner les têtes
et bouleversent le cours des destins. Votre première héroïne, perruque
blonde et lunettes noires, joue les femmes fatales. Et votre jeune fille
en fleur rêve d'Amérique sur la chanson des Mamas and Papas, "California
Dream". Avec vous, le cinéma paraît tout simple...
Florence
Guernalec
A lire dans Courrier international du 6 avril 1995 (n°231 p 9 à 12), les
articles du Time, de Business Week... sur DreamWorks SKG. Personne ne
peut dire aujourd'hui ce que l'association Spielberg-Katzenberg-Geffen
va produire mais tout le monde en parle. Seul véritable intérêt de ce
dossier : faire réfléchir les européens sur leur industrie artisanale
!
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thé,
crackers
et cinéma
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