thé,
crackers et cinéma
a r c h i v e s |
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Numéro
41
24 Janvier 1996 |
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"Seven"
est sans conteste l'événement de ce début d'année : en France, le film
de David Fincher a attiré plus de 4 millions de spectateurs, sans doute
désireux d'avoir leur dose d'émotions fortes. En l'occurence, "Seven"
est plutôt un bon thriller. Mais à mon sens, ce film ne dépeint pas l'état
de l'Amérique comme j'ai pu le lire ici ou là, "Seven" n'a pas
la prétention de porter un regard critique sur une société toute entière.
Si l'on s'en tient aux images, on s'aperçoit que David Fincher ne filme
rien d'autre que des corps déformés, mutilés, en état de décomposition.
Le cinéaste décrit - certainement inconsciemment - tous les états de transformation
du corps humain : le grossissement, la blessure dûe à un accident ou à
une opération et le vieillissement. David Fincher nous amène à nous poser
des questions sur notre propre corps à une époque où les magazines de
mode sur papier glacé avaient presque réussi à nous faire oublier que
la chair est un organisme vivant, fragile et périssable. Cruel retour
à la réalité. "On n'attrape les mouches avec du vinaigre" ! En réalisant "Butterfly Kiss", Michael Winterbottom aurait pu s'inspirer de ce dicton poulaire, le cinéaste a préféré au contraire nous donner un coup de poignard dans le ventre dès les premières images et remuer le couteau dans la plaie pendant une heure vingt... Film d'une crudité effarente, "Butterfly Kiss" met en scène une fille au cerveau et au corps malades (Amanda Plummer). Si un cinéaste veut nous plonger dans son univers, le public doit pouvoir s'identifier aux personnages principaux, ces "passeurs" doivent être attachants ou du moins aimables. Aucun réalisateur ne peut faire l'économie d'une phase de séduction du spectateur. Si Michael Winterbottom s'était plié à ce rituel, il aurait eu le pouvoir d'entraîner le spectateur là où il veut. Au contraire, en nous confrontant d'emblée à des scènes crues, Michael Winterbottom nous force à suivre, avec un œil froid, les aventures meurtrières des deux jeunes femmes. Au bout du compte, on se fiche de leur destin comme de leurs victimes. "Butterfly Kiss" ne peut nous émouvoir.
Florence Guernalec
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