thé,
crackers et cinéma
a r c h i v e s |
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Numéro
15
10 Mai 1995 |
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En raison de la vague de chaleur qui s'est abattue sur la France, je ne suis pas allée au cinéma depuis une dizaine de jours. Est-ce que les salles obscures me manquent ? Pas le moins du monde. Dans l'euphorie, j'avais décidé d'essayer une nouvelle recette de cuisine sur quelques amis. Laurent, un "ami à mi-temps", a décliné mon invitation, préférant aller voir un film expérimental de Jonas Mekas à L'Entrepôt plutôt que de servir de cobaye, de voir Issy-les-Moulineaux et mourir... Autant le dire tout net, j'étais très vexée. Et puis moi, quand j'entends parler de "cinéma expérimental", je me méfie : je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a un mot de trop quelque part... L'idée de caméra-stylo lancée par Astruc a donné à penser que l'instrument est la matière or la caméra n'est jamais qu'un moyen de capter nos émotions. Le médium, ce sont les personnages. Faire du cinéma sans acteurs, c'est comme jouer au tennis sans balles... Le cinéma est une affaire d'ÉCHANGES dans un jeu de double : échange entre un personnage du film et les autres et échange entre les personnages et les spectateurs. La prochaine fois que je vois Laurent les yeux dans les yeux, je lui balancerai tout ça à la figure et tant pis si on se quitte fâchés ! Tant que j'y suis, je lui dirai aussi ce que je pense du "cinéma vérité". Si j'étais vraiment vicieuse, je lui demanderais même de trouver parmi les deux mots, l'intrus ! Douchet, tout comme Bazin ou Daney, veut nous faire croire que "...le cinéma, c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde." La belle affaire. Le cinématographe serait donc une gigantesque photocopieuse, et c'est grâce à l'aide du Saint-Esprit qu'il n'y aurait pas de différence entre l'original et la copie ? Foutaises. Je parlerai à Laurent de cinéma de vérité, d'illusion de vérité où encore plus simplement de "mensonge vraisemblable". Je lui parlerai encore et encore d'ÉCHANGES, de liaisons dangereuses entre le réel et la fiction. Il n'existe rien de plus fascinant et de plus fort que ce trafic d'influence qui emporte les foules sur son passage. Le cinéma sera toujours un art populaire, le miroir déformé de nos vies, c'est pour ça et uniquement pour cela qu'on l'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie...
Florence Guernalec
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