thé, crackers et cinéma
a r c h i v e s
 



Numéro 16
17 Mai 1995
24 IMAGES/SECONDE et une histoire...


Sommaire
Le cinéma,
divertissement abêtissant






























Qui aurait pensé qu'un jour les gens paieraient pour s'enfermer des heures dans le noir ? C'est incroyable, des hommes et des femmes, avachis dans des fauteuils trop grands pour eux, regardent des images défiler à une vitesse inouïe sur des écrans géants. Ils s'abîment les yeux dans des salles obscures, y croupissent comme des cloportes et s'y plaisent : ils viennent se saouler de rêves, oublier leur vie misérable. Ces endroits diaboliques arrivent à faire croire à des personnes saines d'esprit qu'elles sont les héros d'un film. Il suffit de voir ces spectateurs à la sortie des salles, le regard vitreux, le visage hébété ou le sourire niais, incapables de mettre un pied devant l'autre, pour comprendre les effets pernicieux de ce spectacle décadent.

Les séquences s'enchaînent en sautant du coq à l'âne, les actions n'ont ni queue ni tête. Les histoires se ressemblent toutes : un homme rencontre une femme et il tombe amoureux. Mais notre apollon au moral d'acier devra batailler ferme pour gagner le cœur de la belle. Quelques obstacles destinés à prouver la virilité sans faille de notre héros, jalonneront sa carte du tendre. Le scénario est couru d'avance : notre sur-homme élimine les méchants et sort toujours indemne de cascades invraisemblables, d'explosions toujours plus spectaculaires. Les cinéastes auront pris un plaisir sadique à nous montrer l'hémoglobine couler à flot, à filmer des corps mutilés, torturés. Voilà ce qu'est le cinéma, un spectacle abêtissant, violent, qui satisfait les plus bas instincts de l'homme ; un tripot où l'on blasphème le nom de Dieu, où tous les prétextes sont bons pour montrer des femmes nues et mettre en scène des homosexuels. La provocation des cinéastes ne connaît pas de limites : dans cette surenchère, des affiches et des bandes-annonces racoleuses assurent au client qu'il pourra voir dans leur intégralité, les ébats d'un couple. Oui, dans ces endroits immondes, l'homme et la femme sont rabaissés à l'état de bête.

Pour entrer et mériter sa place dans un cinéma, il faut faire la queue dans la rue. Quelle tristesse de voir des individus libres, réduits à se suivre comme des moutons, quelle tristesse de les voir répondre aux aboiements d'un rabatteur à la solde de cette industrie de débauchés... Quelle honte de voir ces regroupements bruyants envahir les trottoirs de nos villes et chasser les piétons. Les forces de l'ordre ferment les yeux sur ces rassemblements intempestifs... Une fois dans ces établissements, des hôtesses vous déchirent, d'un sourire désarmant, le ticket que vous avez à peine eu le temps de toucher et vous font patienter devant un comptoir de confiseries. Tout est bon pour vous inciter à acheter des sodas dont il n'est pas difficile d'imaginer que leur goût de médicament recèle des substances nocives habilement cachées par le sucre et les colorants. Des boules blanches, appelées "pop-corn", feraient plus penser à du polystyrène expansé qu'à une friandise comestible si leur odeur, savamment répandue, n'envahissait vos narines. Ces choses insensées se déglutissent par poignées : leurs consommateurs, sans doute pour exprimer leur joie, en renversent une partie sur les fauteuils et dans les allées en même temps qu'ils donnent des coups de pied dans votre siège. Si vous avez l'indélicatesse de ne rien acheter à l'entrée, une ouvreuse - le nom en dit long sur les mœurs particuliers de ces endroits - va vous relancer dans la salle avec un panier rempli de sucreries, en vous menaçant d'une lampe de poche. Pendant la projection, il se passe des choses, dans les derniers rangs, que la décence m'interdit de décrire... Les us et coutumes de ces lieux de débauche sont barbares.

Le cinéma ne connaîtrait pas un tel succès s'il ne bénéficiait pas de la complicité des médias : des journaux, dirigés par des hommes sans scrupules, profitent de ce fond de commerce. D'autres plus sournois, sous couvert de parler de finance ou de grande littérature, consacrent des pages et des pages à cette drogue dure. Des magasins diffusent, dans tous les formats possibles et imaginables, les photos de ses héros d'opérette : les Tom Cruise, Brad Pitt, Keanu Reeves, Johnny Depp... Les adolescents, encore faibles d'esprit, accrochent leurs portraits au dessus de leur lit en lieu et place du crucifix et les vénèrent comme des dieux vivants. Ce fléau a même réussi à envahir nos foyers. Les politiciens nous avaient promis une télévision du savoir et de la connaissance, le "mieux-disant culturel", mais en réalité, le petit écran est au service de commerçants sans foi, ni loi, qui méprisent la morale chrétienne. Ces "marchands de bonheur" veulent nous faire croire que cette activité funeste répond à un besoin naturel de divertissement des masses ! Utiliser le jour de repos accordé par le Seigneur, pour laisser quelques uns donner libre cours à leurs obsessions lubriques et faire passer ce vice pour un plaisir innocent, est proprement honteux.

Nous avons cru que le cinéma mourrait de lui-même, nous nous sommes trompés, la bête immonde n'a de cesse de changer ses apparats pour toujours mieux séduire : des techniciens irresponsables, inconscients des conséquences de leurs actes, continuent d'inventer des procédés destinés à encore mieux conditionner les spectateurs. Demain, toutes les salles seront équipées de fauteuils qui bougent avec l'action du film, des foules en transe répondront alors au doigt et à l'œil de ce spectacle total. Il ne faut pas se cacher la vérité, le cinéma a inventé le mouvement perpétuel : ses salles sont ouvertes sept jours sur sept, dès 10 heures du matin et jusqu'à minuit ! Cette machine inhumaine ne laisse aucun répit. Le fléau, jusque là limité aux grands centre urbains, gagne aujourd'hui les banlieues avec la construction de multiplexes, une dizaine de salles, véritables invitations à l'orgie collective. Bientôt, les cinémas souilleront nos campagnes, les exploitants profiteront des terres laissées en jachère. Les maires, bien trop contents de distraire leurs ouailles de notre crise économique et spirituelle, se battront pour accueillir un cinéma. Gageons que les permis de construire ne seront pas difficiles à obtenir...

Patriotes, il n'est pas trop tard pour agir. Montrez l'exemple, n'entraînez pas vos enfants aux niaiseries de Walt Disney, ne laissez pas vos adolescents aller se ramollir l'esprit au cinéma. Donner leur plutôt le goût des belles lettres car vous le savez bien, les gens de qualité ne fréquentent pas ces endroits sordides.

 

Florence Guernalec

 

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