thé, crackers et cinéma
a r c h i v e s
 



Numéro 31
18 Octobre 1995
 


Sommaire
"Swimming with Sharks"
de George Huang


fiche technique et artistique



























J'aime bien les films mordants. Je ne pouvais donc pas manquer "Swimming with Sharks" sans heurter ma sensibilité... Contrairement aux apparences, ce film n'a rien à voir avec Les dents de la mer, quoique... George Huang a signé un premier long-métrage bien saignant. La preuve ? Dans ce film, l'humiliation est déclinée à tous les modes. Il n'y a pas de place pour les saints et les premiers communiants. Tous les faux penseurs qui avaient cru pouvoir s'épancher sur les rapports de la bonne et du bourgeois dans "La Cérémonie", vont pouvoir réviser leur manuel de la méchanceté humaine. Quant à ceux qui s'étaient répandus en compliments sur "The Player" de Robert Altman, ils vont devoir réexaminer l'échelle de petites étoiles qu'ils donnent aux films, sous peine de passer pour des simplets.

"Swimming with Sharks" est un film fascinant parce que la cruauté est fascinante, la bêtise est fascinante tout autant que la bonté et l'intelligence. Le personnage du producteur joué par Kevin Spacey symbolise tout ce qu'on déteste chez les autres mais qu'on aimerait quand même avoir en soi : l'autoritarisme, le côté possessif et inflexible, le goût de l'arbitraire et du mensonge... Pour le cinéaste, tout individu est un malade qui s'ignore, personne n'est à l'abri. Pessimisme facile, cynisme de circonstance ? Non, George Huang ne tombe jamais dans le naturalisme. Le réalisateur évite, avec bonheur, tout atermoiement. Après tout son freshman ne fait-il pas son propre malheur ? Son héros est suffisamment bête et naïf pour que ses mésaventures fassent sourire. Le cinéaste a trouvé le ton juste, la bonne distance qui permettent au spectateur de grincer des dents tout en prenant du plaisir. Le meilleur des cocktails. Le réalisateur orchestre donc un formidable jeu de massacre dont personne ne sort indemne mais qui reste suffisamment réaliste pour n'être jamais vain. Trois personnages et deux lieux lui suffisent, une économie de moyens qui force l'admiration, d'autant que George Huang ne limite pas son film au petit monde du cinéma, trop facile. Toutes les scènes tournées chez le producteur nous ramènent à la réalité quotidienne.

"Swimming with Sharks" n'est pas un film de plus sur le monde impitoyable d'Hollywood mais une fable sur la médiocrité humaine... Et sur ceux qui la subissent : jusqu'où faut-il accepter les compromissions ? Où commence la lâcheté ? Tout l'enjeu du film tient dans cette phrase tout bête répétée en leitmotiv : "What do you really want ?" qui remplace "To be or not to be", trop passif. Ce que je veux vraiment, et qu'est-ce que je suis prêt à faire pour obtenir ce que je veux, voilà la question.

 

Florence Guernalec

 

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