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J'aime
bien les films mordants. Je ne pouvais donc pas manquer "Swimming
with Sharks" sans heurter ma sensibilité... Contrairement aux apparences,
ce film n'a rien à voir avec Les dents de la mer, quoique... George Huang
a signé un premier long-métrage bien saignant. La preuve ? Dans ce film,
l'humiliation est déclinée à tous les modes. Il n'y a pas de place pour
les saints et les premiers communiants. Tous les faux penseurs qui avaient
cru pouvoir s'épancher sur les rapports de la bonne et du bourgeois dans
"La Cérémonie", vont pouvoir réviser leur manuel de la méchanceté
humaine. Quant à ceux qui s'étaient répandus en compliments sur "The
Player" de Robert Altman, ils vont devoir réexaminer l'échelle de
petites étoiles qu'ils donnent aux films, sous peine de passer pour des
simplets.
"Swimming with Sharks" est un film fascinant parce que la cruauté
est fascinante, la bêtise est fascinante tout autant que la bonté et l'intelligence.
Le personnage du producteur joué par Kevin Spacey symbolise tout ce qu'on
déteste chez les autres mais qu'on aimerait quand même avoir en soi :
l'autoritarisme, le côté possessif et inflexible, le goût de l'arbitraire
et du mensonge... Pour le cinéaste, tout individu est un malade qui s'ignore,
personne n'est à l'abri. Pessimisme facile, cynisme de circonstance ?
Non, George Huang ne tombe jamais dans le naturalisme. Le réalisateur
évite, avec bonheur, tout atermoiement. Après tout son freshman ne fait-il
pas son propre malheur ? Son héros est suffisamment bête et naïf pour
que ses mésaventures fassent sourire. Le cinéaste a trouvé le ton juste,
la bonne distance qui permettent au spectateur de grincer des dents tout
en prenant du plaisir. Le meilleur des cocktails. Le réalisateur orchestre
donc un formidable jeu de massacre dont personne ne sort indemne mais
qui reste suffisamment réaliste pour n'être jamais vain. Trois personnages
et deux lieux lui suffisent, une économie de moyens qui force l'admiration,
d'autant que George Huang ne limite pas son film au petit monde du cinéma,
trop facile. Toutes les scènes tournées chez le producteur nous ramènent
à la réalité quotidienne.
"Swimming with Sharks" n'est pas un film de plus sur le monde
impitoyable d'Hollywood mais une fable sur la médiocrité humaine... Et
sur ceux qui la subissent : jusqu'où faut-il accepter les compromissions
? Où commence la lâcheté ? Tout l'enjeu du film tient dans cette phrase
tout bête répétée en leitmotiv : "What do you really want ?" qui remplace
"To be or not to be", trop passif. Ce que je veux vraiment, et qu'est-ce
que je suis prêt à faire pour obtenir ce que je veux, voilà
la question.
Florence
Guernalec
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thé,
crackers
et cinéma
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