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a r c h i v e s
 



Numéro 25
6 Septembre 1995
 


Sommaire
Les Blockbusters
de l'été 95





























"Bad Boys", "Batman Forever", "Une journée en enfer", "Judge Dredd". Je n'ai raté aucun des blockbusters de l'été. J'ai même payé de ma poche pour les voir ! Masochisme ou perte totale du sens commun ? Après cette orgie de films d'action, une seule certitude : les héros made in USA sont fatigués, tellement "out" qu'ils doivent marcher par deux comme Bill Clinton et Al Gore, tellement différents et pourtant inséparables...

"Bad Boys" de Michael Bay est aussi convenu et drôle que la série "Starsky et Hutch". Ici, on a droit à deux épisodes pour le prix d'un, chaque scène comptant double : Martin Lawrence et Will Smith répètent toutes leurs répliques deux fois, juste pour le plaisir de ne rien dire. Les deux acteurs se la jouent façon "Eh Man, Cool Man". Et comme les dialogues sont incroyablement plats et ne comportent pas trop de mots de vocabulaire, j'ai pensé que le film avait été écrit pour les malcomprenants... Les auteurs usent et abusent du quiproquo : l'échange d'identité entre les deux flics chamboule quelque peu la bonne marche de leurs foyers sans nous arracher un sourire. Il ne suffit pas de créer une situation, encore faut-il lui donner de l'oxygène. "Bad Boys" se place résolument du côté de notre bon vieux théâtre de Boulevard. Il ne manque que les rires enregistrés de la télé.

"Batman Forever" est pire que les deux précédentes aventures de la chauve-souris en latex. L'intrigue n'a jamais été palpitante, le héros n'a jamais eu aucun intérêt et les méchants font toujours autant d'efforts pour nous faire croire qu'ils sont très vilains alors qu'ils ont l'air tout droit sorti d'une pochette de farces et attrapes. Jusqu'ici rien de nouveau. Mais ce "Batman Forever" est tellement effroyable qu'il risque bien d'être inoubliable car Joël Schumacher ne semble avoir qu'une idée en tête: nous provoquer une crise cardiaque. La bande son, sorte de vacarme assourdissant sorti d'on ne sait où, m'a nettoyé les neurones plus sûrement qu'une lobotomie. Pendant tout le film, j'étais persuadée que le ciel était en train de me tomber sur la tête tandis que mes yeux fixaient bêtement la mine constipée de Val Kilmer ! Je me suis dit que le Déluge avait dû ressembler à ça !

On s'ennuie tout autant à suivre Bruce Willis dans "Une journée en enfer". Le cocktail humour-action de "Piège de cristal" a tourné ici au vinaigre. A force de passer toujours la même chanson, le disque s'est rayé. Pourtant dans ce troisième opus, le début est intéressant et culotté : John McClane, en caleçon et Marcel, porte, en plein Harlem, une pancarte affirmant qu'il hait les noirs. Un châtiment diabolique qui m'a ravi. En VF, Jeremy Irons a la "voix" de Karl Lagerfeld, une curiosité.... Mais très vite, la machine menée par John McTiernan retombe dans le film d'action classique (pan-pan boum-boum), le film qui vous en donne pour votre argent, enfin c'est ce qu'on aimerait croire. Moi, j'ai décroché à la scène des bidons d'eau dans la fontaine : je n'ai toujours pas compris comment on pouvait obtenir quatre litres avec un bidon de 5 et un bidon de 3. Le problème m'a occupé l'esprit pendant plusieurs minutes tandis que Bruce Willis se battait comme un beau diable pour faire triompher le Bien... John McClane aurait pu crever la gueule ouverte devant une affiche de Michael Jackson, ça ne m'aurait même pas fait sourciller.

"Judge Dredd" est sans doute le plus intéressant des quatre films, Danny Cannon louche du côté de "Demolition man", sans jamais avoir la subtilité, ni le regard critique de Brambilla, mais son film a le mérite de parler de quelque chose : le Pouvoir. Pas de panique, les scénaristes n'ont quand même pas adapté "Le Prince" de Machiavel. De toute façon, on ne paie pas 45 balles pour réfléchir dans le noir ! Mais pour être tout à fait honnête, ce qui m'a le plus frappée dans "Judge Dredd", ce sont les costumes ridicules et le rictus imperturbable de Stallone. La réplique que j'ai préférée ? "I'm the law". En sortant de la salle, j'avais envie de me planter devant les passants et de leur faire peur en déclarant: "JE SUIS LA LOI !". Mais comme les gens manquent totalement d'humour, je me serais certainement pris quelques baffes ! Notre époque manque de fantaisie, de zazous... Tenez, quand j'ai vu "Mister Jones" de Mike Figgis, j'étais persuadée que tout le monde allait imiter Richard Gere : embrasser une super nana dans la rue au nez et à la barbe de son petit ami et détaler avant que l'amoureux transi n'ait le temps de vous épingler. J'étais sûre que tous les garçons et les filles de mon âge allaient trouver le trip over top... Il n'y avait qu'une seule condition à remplir pour que le jeu soit vraiment drôle, l'impertinent(e) devait être outrageusement beau (belle). Un peu sélect comme jeu, je vous l'accorde, un peu comme le bridge...

En fait, ce qui m'a le plus énervée dans tous ces films, c'est de voir tous ces héros à la noix, incapables d'éprouver des sentiments. Vous allez me dire, les scénaristes ne leur en laissent pas le temps. Enfin, c'est quand même pas difficile d'écrire une histoire d'amour avec un grand A entre l'effondrement d'un immeuble de cinquante étages, une course-poursuite en voiture et le déraillement d'un train. Bref, j'ai essayé de combler la pénurie de flirts dans les films en général et dans les films d'action en particulier en allant voir "L'Amour en équation". C'est ce qui s'appelle, je crois, "s'enfoncer" en langage familier : le film de Fred Schepisi est aussi drôle qu'un discours du Pape, aussi léger qu'"Hélène et les garçons". On n'a qu'une envie, voir la bande de vieillards indignes à l'hospice, le benêt avec les simples d'esprit et la jeune fille en fleur dans une surprise partie ! Les personnages de ce film sont vraiment trop niais pour faire des étincelles. La comédie romantique est un art en soi que Schepisi ignore. Enfin si les Américains ont décidé de faire des films emmerdants et bêtes comme la pluie pour concurrencer les Français sur leur propre terrain, je trouve ça déloyal et dégueulasse. Nous ne devons pas les laisser s'attaquer à une de nos dernières spécificités françaises, sinon il ne nous restera que les fromages qui puent et les Marie-Chantal...

 

Florence Guernalec

 

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