thé, crackers et cinéma
a r c h i v e s
 



Numéro 22
28 Juin 1995
 


Sommaire
"Don Juan deMarco"
de Jeremy Leven


fiche technique et artistique



"Mort ou vif"
de Sam Raimi

fiche technique et artistique



























"Don Juan DeMarco" est un film pour midinettes, le genre de comédie kitsch qui confond romantisme et niaiserie. Son imagerie de carton-pâte fait irrésistible- ment penser aux livres Harlequin. On se demande encore à quel degré il faut entendre les élucubrations de "Don Juan DeMarco" sur ses conquêtes, toutes ses métaphores ridicules pour décrire leurs corps, leur plaisir, du style la Femme est une fleur, ses cuisses des pétales ! Après ça, on aimerait vraiment savoir ce que fumaient les dialoguistes lorsqu'ils ont couché sur le papier toute cette mièvrerie. Si Jeremy Leven voulait atteindre le second ou le troisième degré, il aurait fallu que le petit dragueur de Phoenix soit drôle, il aurait fallu que le spectateur s'amuse. Au lieu de ça, Jeremy Leven hésite entre le film à l'eau de rose (style "Pretty Woman"), et l'humour décalé d'un film ZAZ (Zucker-Abraham-Zucker). Par exemple, la scène où Don Juan fait la cour à une femme dans un restaurant est affligeante, ses mots sont d'une banalité effroyable, n'importe quel femme normale lui aurait jeté un verre d'eau à la figure, cela aurait été une vraie chute... Mais là, la fille tombe comme une mouche ! Dans le même registre, Jeremy Leven filme une plage déserte et y faire apparaître LA fille de rêve, il filme le gros Brando en train de suer sur un vélo d'appartement et Johnny Depp déguisé en femme dans un Harem, c'est dire si on s'amuse beaucoup en regardant "Don Juan DeMarco". Si le cinéaste avait réussi son film, nous serions convaincus, en sortant de la salle, qu'il faut oser bousculer ses habitudes, mettre un peu de folie dans son train-train quotidien, or à cause de lui, on va avoir peur du ridicule... Les adeptes du métro-boulot-dodo peuvent dormir tranquille.

Avec "Mort ou vif", Sam Raimi prouve que l'on peut faire du cinéma de divertissement sans prendre les spectateurs pour des imbéciles. Dans ce Western sans grands espaces, ni chevauchées fantastiques, les héros sont tous de fines gâchettes qui viennent régler leurs comptes à Rédemption. D'une intrigue un peu légère et répétitive centrée autour des duels, Sam Raimi arrive à nous intéresser à une histoire dont l'issue est courue d'avance. Le cinéaste ne ménage pas les plans et les pirouettes jubilatoires : Gene Hackman se retrouve si bien transpercé par une balle que l'on voit à travers, c'est l'effet Stone ! Sa mise en scène très stylisée rappelle celle de ses amis, les frères Coen : si elle n'était pas aussi brillante, on serait franchement agacé par tous ces gros plans sur les visages, les ralentis sur les pas lourds des cowboys et tous ces mouvements de caméras voyants... Mais si notre intérêt ne baisse pas aussi vite que l'espérance de vie des candidats aux duels, c'est surtout grâce aux face à face entre les personnages : ils se tournent autour, se reniflent, chaque concurrent entretient une relation d'amour et de haine avec un autre... Comme dans toute bonne tragédie, les héros jouent leur destin sur un coup de dés : soit ils meurent à Rédemption et sont lavés de leur fautes, soit ils restent en vie et alors ils restent prisonniers de leurs péchés. "Mort ou vif" pourrait être un sujet de philo : "La vengeance peut-elle être juste ?" Le casting tient toutes ses promesses : Leonardo Di Caprio et Sharon Stone sont mignons comme des cœurs. La Star en tenue de cowboy, a jeté aux orties son nécessaire à maquillage, fume le cigare, donne quelques coups de poing et prend un air dégoûté devant toutes ces brutes qui auraient bien besoin d'un décrassage au carcher et d'une visite chez le dentiste. Gene Hackman n'a aucun mal à se prendre pour Dieu, Herod a droit de vie et de mort sur chaque habitant de la ville, et comme tous les salauds, il est persuadé d'accomplir une mission de salubrité publique... Laissez-vous prendre par Rédemption.

 

Florence Guernalec

 

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