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"Pecker"
de John Waters




synopsis

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Brebis galeuse.


John Waters n'est pas fou ou bizarre, ses américains, si. Bien que le réalisateur ait laissé tombé la provocation et le mauvais goût de ses débuts, il fait toujours office du chien dans le jeu de quilles : son cinéma reste imprégné d'un mauvais esprit de bon aloi. Waters sait croquer les travers de la société américaine, montrer ce qui ne "tourne pas rond" chez ses compatriotes.

Pecker (Edward Furlong) est passionné de photo. Avec un vieil appareil, l'adolescent immortalise les lieux et les gens de Baltimore. Ses clichés sont pris sur le vif, sans souci esthétique, ni démarche artistique, mais il s'y dégage une vérité qui fait tout leur prix. Une galeriste (Lili Taylor) remarque ses photos et décide de l'exposer à New-York. Les ennnuis commencent alors pour Pecker qui devient célèbre du jour au lendemain... Waters met en scène la middle-class de la banlieue de Baltimore et le milieu artistico-branché de Manhattan, deux mondes à des années lumière l'un de l'autre qui n'auraient jamais dû se croiser : le choc des cultures crée des situations forcément cocasses puisque les deux "communautés" n'ont pas le même langage, ni les mêmes goûts. Par leur spontanéité, la famille et les amis de Pecker bousculent sur leur propre territoire, les critiques d'art, conservateurs de musée et autres snobs de Manhattan.

Waters se montre plus ironique que cruel ou agressif à l'encontre de ses personnages, le réalisateur originaire de Baltimore a passé l'âge de régler ses comptes avec des milieux qu'il connaît bien. Le ton est plutôt bon enfant, à l'image de la musique légère qui parsème cette oeuvre déconnante. John Waters ne filme pas cette rencontre insolite comme un sale gosse provoque un accident avec ses petites voitures, le cinéaste américain réussit une critique subtile des deux "communautés", il met en lumière les limites et les contradictions de chacune. Ce film voit ainsi s'affronter deux conceptions de la Beauté : l'une classique s'attachant à l'esthétique, l'autre plus underground, privilégiant la vérité.

La mère de Pecker pense que son portrait ne peut être réussi que si elle se recoiffe et s'arrange un peu. Le photographe chargé d'un reportage sur la famille, a les mêmes canons de beauté : il la met en scène, la fait poser chassant tout naturel. Au contraire, le milieu artistique de Manhattan apprécie les photos de Pecker parce qu'elles montrent la réalité au lieu de la cacher, elles témoignent de la vie de gens ordinaires dans une banlieue populaire. L'ironie, c'est que que les supporters de l'adolescent sont des personnes fabriquées de la tête aux pieds et qui arborent des airs pincés en toutes circonstances.

Si les contraires s'attirent, c'est parce que chacun cherche à échapper à ce qu'il est, déteste se regarder dans une glace. Tant que Pecker fait découvrir aux New-Yorkais, un monde qu'ils ne connaissent pas, des gens qui leur paraissent "exotiques", il séduit. En revanche lorsque l'adolescent prend en photo cette faune new-yorkaise et expose ses clichés, les snobs n'apprécient guère de se voir tels qu'ils sont, de regarder sur grand format, leurs mines coincées et prétentieuses. Ils ont la même réaction que les habitants de Baltimore pris avec leur tête des mauvais jours et leurs vêtements défraîchis. Si John Waters s'emploie à leur trouver, des circonstances atténuantes, sa lucidité est intacte, elle en fait un des rares cinéastes américains à proposer un regard juste sur ses contemporains.

 

Florence Guernalec

 

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