thé,
crackers et cinéma
c r i t i q u e s |
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"Rencontre |
Electrocardiogramme plat. William Parrish (Anthony Hopkins) sait qu'il va mourir bientôt mais il continue à expédier les affaires courantes, et se rend tous les matins à son bureau. Le brillant homme d'affaire est résigné. La menace qui pèse sur ses épaules n'intéresse pas Martin Brest. Parrish n'est pas le personnage central du film, juste un prétexte, c'est la mort qui a décroché le rôle principal : baptisée Joe Black pour la circonstance, la grande faucheuse a les traits de Brad Pitt. La mort a décidé de s'inviter quelques jours chez les Parrish avant de faire tomber le couperet final sur la tête du businessman. Comme le patriache ne peut révéler à sa famille et à ses associés qui est Joe Black, les conversations autour du mystérieux jeune homme s'en trouvent considérablement limitées : pendant près de trois heures, sa fille Susan et son bras droit ambitieux se demandent inlassablement qui est cet étranger invité à manger et à dormir chez le maître des lieux. Martin Brest n'exploite guère le mystère de manière intéressante : l'homme d'affaire et Joe qui connaissent la vérité, éludent si laborieusement la question que leur silence en devient pénible. Que la fille de Parrish tombe amoureuse de la mort, ne provoque ni frisson, ni peur. Et les quelques scènes de comédie ne suffisent pas à faire oublier une absence d'intensité et d'étrangeté, d'atmosphère trouble. Devant la caméra de Martin Brest, Joe Black n'a pas plus d'intérêt que monsieur tout le monde. Les meilleurs moments du film sont à mettre au compte de l'innocence et de la naïveté de Joe Black, sa découverte de la vie sur terre donne lieu à des séquences assez amusantes et savoureuses : il faut voir la mort dévorer des yeux la cuillère de beurre de cacahuète ou se faire sa provision de gâteaux en pleine réunion d'affaire. Il faut voir Joe Black imiter la petite voix d'une vieille dame noire comme un enfant facétieux ou découvrir les plaisirs de la chair en jetant des regards bizarres et étonnés. Brad Pitt s'en tire bien : l'acteur à la beauté du diable, se tient droit, raide, les mains derrière le dos, il a trouvé l'allure particulière qui le différencie du commun des mortels sans l'entraîner dans une interprétation baroque. Martin Brest a eu les yeux plus gros que le ventre : la mort n'est pas une mince affaire, seul un réalisateur totalement fou pouvait la mettre en scène et transformer une fausse bonne idée en un film génial.
Florence Guernalec
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