thé,
crackers et cinéma
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"Rien sur Robert" |
Les mots à la bouche.
Dans "Rien sur Robert", la gent féminine est particulièrement maltraitée. Pascal Bonitzer a imaginé deux personnages d'emmerdeuses, compliquées et tristes, qui font tourner la tête de Didier : pendant tout le film, Juliette l'égocentrique est d'une humeur exécrable, elle laisse tomber Didier comme une vieille chaussette et jette son dévolu sur le premier venu. Sans raison apparente. Elle lui raconte en détail sa nuit d'amour avec Alain (Edouard Baer) mais affirme qu'elle l'aime toujours. Plus tard, Juliette lui annonce qu'elle est malheureuse, Didier se prend à espérer mais elle retourne vivre avec son amant pour mieux revenir vers lui et le quitter encore... Aurélie (Valentina Cervi) n'est pas plus engageante : à moitié folle, elle tombe sur Didier à un dîner et l'enferme dans la buanderie. Elle le fait venir chez elle et lui déclare sur un ton anodin comme on parle du mauvais temps : "Vous pouvez faire de moi ce que vous voulez." Spécialiste des TS (Tentatives de Suicide), Aurélie n'est pas quelqu'un d'équilibré, c'est pourtant elle qui mène la danse et l'ensorcèle... Comparé à ces deux femmes, Didier, l'intellectuel qui assassine des films qu'il n'a pas vus, est un monstre d'angélisme et une victime : à l'image d'un accident qui lui laisse un hématome sur le visage, il est blessé par les femmes. Didier subit leurs quatre volontés, il est pris dans un tourbillon qui le dépasse et le rend éminemment sympathique. Malgré des péripéties idiotes, malgré des personnages féminins grotesques, on prend du plaisir à regarder et surtout à entendre "Rien sur Robert" car les répliques sont un délice : Pascal Bonitzer a su préserver le naturel et la spontanéité propre au dialogue tout en écrivant un texte drôle, subtil et riche en sous-entendus sur le caractère et la mentalité de chaque personnage. Les échanges sont vifs comme dans un jeu de ping-pong. Fabrice Luchini réussit une composition juste face à une Sandrine Kiberlain qui lui assène des coups de poignards sur un ton innocent, ses déboires et son air de chien battu participent au plaisir de cette histoire sans importance et sans gravité.
Florence Guernalec
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