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c r i t i q u e s |
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"Romance" |
Dans l'intimité d'une femme. Il semble qu'à travers son héroïne, Catherine Breillat cherche à démontrer l'impossibilité de concilier son désir amoureux et son désir sexuel, la tête et le corps : dans une séquence imaginaire, Marie se voit physiquement séparée en deux, son esprit est tout entier dévoué à son petit ami et à l'enfant qu'elle porte tandis que son bas ventre est offert à des inconnus en mal d'orgasmes. Le discours de Catherine Breillat est vieux comme le monde. La réalisatrice se montre en revanche plus originale lorsqu'elle évoque les relations entre les hommes et les femmes et montre les différences d'engagement dans une histoire d'amour : Paul a besoin de liberté, il aime sortir seul et danser avec d'autres filles, Marie ne comprend pas son attitude car elle désire tout le temps être avec lui. Dans ce film, la femme donne l'impression d'être envahissante, en comparaison, l'homme paraît négligeant. Dans le rôle de Marie, Caroline Ducey est tout à fait remarquable, la jeune actrice tient le film de bout en bout parce qu'elle ne tombe pas dans les extrêmes : elle n'est jamais une ingénue, une sainte-nitouche, ni une nymphomane ou une allumeuse. Ses mots ne sont pas choquants, son discours sur le désir s'apparente à une longue introspection sur elle-même et n'a rien à voir avec la provocation facile d'un Bertrand Blier. Marie a l'air parfaitement normale : elle ressemble à toutes les femmes, du moins au début... Car plus on avance dans le film, moins on comprend ce qu'elle cherche, Romance bascule dans le spectaculaire : après son aventure avec Paolo, l'héroïne se lance dans diverses expériences qui la font souffrir physiquement mais qui ne semblent pas affecter son équilibre mental. Marie accepte d'assouvir les fantasmes SM de Robert (François Berléand) puis elle accepte les avances d'un inconnu qui lui promet de lui donner du plaisir alors qu'en réalité elle "se fait baiser" dans les deux sens du terme. Ces scènes ressemblent à une tentative maladroite et démonstrative de désigner le sexe comme un moyen de dominer l'autre, une lutte inégale où les hommes ont toujours le dernier mot. Là encore, Romance n'avance pas de thèses révolutionnaires. Dans sa volonté d'ignorer les derniers tabous, Catherine Breillat n'évite pas la complaisance. La séquence SM met mal à l'aise : âmes sensibles et romantiques, féministes, "droits de l'hommiste", accrochez vous à votre fauteuil. Et lorsque Marie tombe enceinte, elle sert de cobaye à des étudiants en médecine qui défilent tous à la queue leu leu pour lui ausculter le vagin. L'idée est déplaisante et la répétition exaspère. Catherine Breillat ne nous aura rien épargné même pas l'extraction du bébé du ventre de la mère. La cinéaste a tout de même le mérite de montrer toutes les dimensions du sexe, qu'il soit un plaisir partagé ou égoïste, agréable ou douloureux : Marie expérimente le sexe amoureux avec Paul, le sexe purement physique avec Paolo, le sexe destructeur avec Robert et le violeur, et enfin le sexe créateur avec la naissance de son enfant. Et Catherine Breillat a certes du culot de filmer son héroïne dans toutes les positions, mais l'auteur-réalisateur provoque plus d'ennui que de réel intérêt, le film paraît d'ailleurs durer des heures tant la chair est triste. Catherine Breillat n'a pas réussi à conclure son histoire, résultat "Romance" "se termine en queue de poisson". La cinéaste semble elle-même douter que les expériences de son héroïne aient un véritable sens.
Florence Guernalec
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