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"Shanduraï" |
L'amour à froid. Bernardo Bertolucci met en images leur solitude, leur silence. Dans un recoin de la cage d'escalier ou à la fenêtre d'un étage, il regardent, épient l'autre, surtout Kinsky. Ils se parlent peu, ils sont visiblement intimidés l'un par l'autre. Tout les sépare : Shanduraï est marquée par les atrocités dans son pays, lui mène une existence de dandy, d'enfant gâté. Elle trouve son bonheur dans la musique africaine, il ne s'intéresse qu'à la musique classique. Et pourtant ils manifestent de l'intérêt envers l'autre. Kinsky communique avec Shanduraï par le monte-charge : l'engin sert d'armoire à la jeune femme, il en fait son messager. Leur solitude s'exprime beaucoup à travers l'architecture du lieu, Bernardo Bertolucci tire partie de l'espace de cette immense maison qui sépare les deux personnages au lieu de les rapprocher, l'intimidant escalier en spirale symbolise une sorte de no man's land entre leurs territoires. Film à deux personnages se passant dans un décor unique où tout reste à dire et à faire, "Shanduraï" finit par être un peu ennuyeux car cette histoire d'amour ne parvient pas à s'incarner et on pressent depuis le début qu'il ne faut rien en attendre. C'est une oeuvre froide, d'une beauté glacée même si la qualité des images saute aux yeux : le cinéaste italien a recherché le meilleur angle de prise de vue pour mettre en valeur son décor. Mais Bertolucci insiste un peu trop sur la beauté et la sensualité de la jeune femme lorsqu'elle est allongée sur son lit, il la filme d'un peu trop près, il ne la regarde pas avec la pureté des yeux du pianiste. Le film trouve un nouveau souffle lorsque Kinsky fait enfin le premier pas et lui déclare sa flamme, Shanduraï le rejette, elle lui apprend qu'elle est mariée. Kinsky, l'homme passif et sans but, décide, sans rien lui dire, de retrouver son époux. Au fur et à mesure qu'il vend ses sculptures, tableaux et tapisseries pour sauver son mari, au fur et à mesure qu'il se dépouille de tous ces objets précieux inutiles à faire son bonheur, Kinsky s'approche plus près de la vraie vie, de l'essentiel et poursuit sa quête : gagner l'amour de cette femme. Il lui prouve la pureté de ses sentiments. Kinsky lui doit sa renaissance. Tout. Le jeune homme sombre et silencieux se prend à faire le clown, à jongler, à sourire. Sa musique, influencée par Shanduraï, a désormais du coeur. Sa présence physique l'inspire, le transporte. Bernardo Bertolucci a réussi une mise en scène élégante et intelligente mais il a trop retenu les émotions et les sentiments pour que l'on soit touché par cette histoire universelle d'un homme et d'une femme qui se tournent autour et sont attirés l'un par l'autre.
Florence Guernalec
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