thé,
crackers et cinéma
c r i t i q u e s |
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"Slam" |
Maladroit et simpliste.
Ray (Saul Williams) est un poète des rues, un adèpte du "slam" : un art oratoire qui consiste à déclamer de la prose, à faire danser les mots. Le jeune noir américain est arrêté pour possession de marijuana et se retrouve en prison, il est plongé dans un climat de violence où les gangs black font la loi comme dans les rues de son ghetto. Ray le pacifiste dispose d'une seule arme et d'une seule défense, ses mots. Marc Levin et ses acteurs mettent le doigt dans l'engrenage du discours politique sans aller au fond de leur pensée et restent au niveau des clichés : l'ennemi n'est jamais identifié que par des "ils" : le pronom désigne-t-il les blancs, le système policier et judiciaire américain, les gangs black ? Sans doute un peu des trois. Les auteurs laissent volontairement des zones d'ombre où chacun, quel que soit sa communauté raciale et ses opinions politiques, entendra ce qu'il veut, et y trouvera donc son compte. En fait, seule la séquence mettant en scène l'avocat commis d'office, montre de manière convaincante que dans le système judiciaire actuel, Ray n'a aucun moyen de se défendre et est condamné d'avance. Les joutes oratoires du héros et de ses compagnons sont mal amenées, elles s'intègrent d'autant moins à l'histoire que Marc Levin fait du cinéma sans images : le réalisateur choisit de ne pas illustrer le slam, les mots des poètes. Ainsi, Ray commence à déclamer dans le bus qui l'emmène en prison ou dans la cour de l'établissement pénitencier, comme s'il était sur une scène. Le discours sonne faux et vire parfois au grotesque lorsque l'adèpte du slam, emporté par sa verve, entre dans un état de transe proche des incantations religieuses. Quand le poète des rues raconte une histoire, tel ce prisonnier parlant de sa vie pendant un cours, le slam s'impose comme un langage mais lorsqu'il s'agit seulement de faire des rimes, lorsque la forme prend le pas sur le discours comme dans le cas du voisin de cellule de Ray, il ne reste qu'une poésie à trois sous, de la frime. Précédé d'une rumeur flatteuse, le film de Marc Levin est une vraie déception.
Florence Guernalec
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