thé,
crackers et cinéma
c r i t i q u e s |
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"Un élève
doué " |
Mauvaise ambiance.
Todd (Brad Renfro) est un élève brillant, passionné par le nazisme. Il découvre qu'un ancien SS, Denker (Ian McKellan) vit près de chez lui. L'adolescent de seize ans le fait chanter pour le forcer à raconter en détail le fonctionnement des chambres à gaz. Denker raconte d'abord avec réticence mais sans émotion, ses souvenirs dans les camps puis prend plaisir à parler de ses crimes. L'air d'un diable avec sa barbichette et son visage mi-cadavérique, l'ancien nazi semble fier de lui. Le spectateur se retrouve, malgré lui, complice de la curiosité malsaine de l'adolescent et a l'impression d'avoir touché le fond de l'horreur. Que Bryan Singer ne tente jamais d'expliquer le comportement de l'adolescent, ni la haine du nazi, rend le film encore plus dérangeant. Le spectateur a l'habitude que les réalisateurs donnent des réponses rassurantes à nos questions, ici le cinéaste américain nous force à chercher en nous des explications. Il est impossible de voir le film sans se demander avec consternation et effroi d'où vient ce mal. Que ce soit le vieux Denker qui tente de faire brûler un chat dans son four et s'avère par ailleurs un vieilllard charmant en société ou que ce soit Todd qui écrase un pigeon blessé avec un ballon de basket et qui est un élève doué, ce Mal a plusieurs visages - celui d'un ange et d'un monstre, il apparaît et disparaît en un clin d'oeil : fugitif, insaisissable, impossible à montrer du doigt, à répertorier, à enfermer, il vit là, parmi nous, en nous sans que l'on sache pourquoi. Todd est perturbé par les histoires de Denker, il ne dort plus la nuit, a des visions de cauchemars... Mais ce n'est pas le vieux nazi qui le rend si nerveux, Todd se fait peur. Il a du mal à accepter qu'il est fasciné, attiré par le Mal. Denker est son surmoi, il a éveillé un aspect caché de sa personnalité, il y a une filiation entre les deux hommes : ironiquement, Denker se fait d'ailleurs passer pour son grand-père. Lorsqu'il faut se débarrasser d'un témoin gênant, leur face à face se transforme en collaboration : Denker commence le travail, Todd le finit. Dans un monde où il n'y aurait que des dominants et des dominés, Todd a choisi son camp. Il a parfaitement conscience que son intelligence est un pouvoir qui lui permet d'asservir les autres, d'avoir droit de vie et de mort sur eux. Todd y retire du plaisir. Il finit par se croire au-dessus des lois. Il se croit seul juge de ses actes. Tout lui est permis. L'intelligence serait-elle le Mal absolu ? "Un élève doué" n'est pas un film que l'on peut aimer car il laisse un goût amer. Certains le trouveront même odieux estimant que Bryan Singer nous oblige à choisir entre le rôle de victime ou celui de bourreau.
Florence Guernalec
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