notes sur les films
Janvier 2000. Vos enfants risquent d'être déconcertés, ils ne reconnaîtront pas la ménagerie des Studios Disney. Les dessins animés ressemblent plus à un ballet classique pour écran géant et fauteuils club qu'à un feu d'artifice. Le programme, présenté par des vedettes du showbizz, comprend la célèbre séquence de l'apprenti sorcier présente dans la version 1940 de Fantasia : Mickey se prend pour Dieu le père et s'en mord les doigts. Pour le reste, les enfants seront déçus ou éblouis par ces images qui épousent le rythme de la musique, par ces animations pensées comme des chorégraphies. A la douceur des mélodies succèdent des coups de tonnerre à faire sursauter les jeunes spectateurs. Les vraies vedettes de ces dessins animés s'appellent Beethoven, Respighi, Gershwin, Chostakovitch, Saint-Saëns, Dukas, Elgar et Stravinsky. Les images célèbrent la majesté de la nature et des animaux, la grandeur de l'amour, parfois la mélancolie comme dans Raphsodie in Blue... Mais les symboles sont trop évidents : une danseuse classique incarne la grâce ; le feu représente la destruction... Les images cherchent à l'évidence à "en mettre plein la vue" : les espaces et les perspectives sont infinies, tout donne dans la démesure, le définitif. Malgré cela, un plan chasse l'autre à la vitesse de l'éclair, le maelström de couleurs et d'images ne laisse pas de traces car les compositions musicales surpassent en intensité et en profondeur les séquences animées. Fantasia 2000 est sans conteste une bonne introduction à la musique classique, rien d'autre.
Décembre 1999. Le spectateur est secoué comme une bouteille d'Orangina., brinquebalé tout au long du film et entraîné comme son héros dans une histoire invraisemblable. Sans avoir le temps de se raccrocher aux branches, d'organiser sa pensée, et sans bien comprendre où veut l'emmener le scénariste Charlie Kaufman. Dans la peau de John Malkovich commence comme une comédie loufoque sur un pauvre bougre qui n'a pas de chance : marionnettiste de profession, Craig (John Cusack) végète en se produisant dans la rue. Contraint de chercher un vrai travail, il décroche un emploi dans une boîte dirigée par une bande de doux dingues agités de la cafetière. Sa fiancée, Lotte (Cameron Diaz) sorte d'amie des bêtes écolo, ne se préoccupe que de la santé mentale de ses bestioles à quatre pattes. Et pour finir, il tente désespérement de séduire Maxine (Catherine Keener) une collègue de travail et se prend un râteau. Le soir, il se met en scène avec ses marionnettes, il imagine des situations où il a le beau rôle... Puis, par un effet très spécial, Craig trouve le moyen d'entrer dans la peau de John Malkovich, être l'acteur américain pendant quelques minutes. Dès lors, le film de Spike Jonze ressemble à un rêve, un fantasme débridé, multiforme : et si une femme se trouvait dans la peau de John Malkovich, et si John Malkovich lui-même se retrouvait dans sa peau, et si deux personnes se trouvait en même temps dans son subconscient... Toujours plus fort, toujours plus fou, Spike Jonze n'en finit pas de nous faire rire et de nous étonner jusqu'à s'enfermer dans une histoire - sans intérêt - de vieillards programmés pour entrer dans la peau de Malkovich. Tout le film est centré sur la séduction : tout comme Lotte, Craig séduit Maxine sous les traits de Malkovich. Cette dernière se laisse abuser par les apparences, volontairement ou malgré elle. Comédie sociale, jeu de dupes, tout le monde trompe tout le monde, et ça fait des millions d'années que ça dure. Mais attention à l'atterrissage, l'expulsion est violente : le rêve, moteur de vie, ne dure qu'un temps...
Novembre 1999. Oubliez Scream et Souviens toi... l'été dernier. Oubliez ces films où la jeunesse est aussi lisse et ennuyeuse qu'une table en formica et n'a d'autres états d'âme que de fuir le couteau de cuisine d'un mort vivant. Dans Rushmore, Wes Anderson porte un regard sensible et juste sur l'adolescence à travers le fantasque Max Fischer (Jason Schwartzman). Des lunettes sévères sur le nez, les cheveux raides et la raie sur le côté, Max a des airs de premier de la classe mais les apparences sont trompeuses. Curieux, inventif et plein d'allant, le jeune garçon est un touche-à-tout : kung-fu, karting, escrime, aviation... Il écrit même des pièces de théâtre. Le personnage fascine Blume (Bill Murray) : le riche homme d'affaire qui s'ennuie à mourir, renaît grâce à la vitalité et la fraîcheur d'esprit du jeune garçon. Le réalisateur Wes Anderson ne fait pas de l'adolescence, l'âge bête par excellence : dans Rushmore, la jeunesse représente une période fantastique où tout est possible, où l'on veut tout essayer, un temps où l'on souhaite à la fois ressembler à tout le monde et se démarquer des autres, être intégré à un groupe social et s'affirmer. La réussite de Rushmore tient beaucoup à l'acteur Jason Schwartzman qui incarne un adolescent d'aujourd'hui, sa quête de reconnaissance et sa détermination sont touchantes. Ses maladresses et ses échecs aussi. Rushmore est un petit film spécial au charme incroyable.
Octobre 1999. Quand on aime le cinéma, on ne peut pas aimer le dernier Star Wars. A cause de George Lucas, le cinéma américain est entré dans l'ère du tout technologique, les effets spéciaux sont aujourd'hui plus importants que le scénario. Ils sont l'argument publicitaire. Les spectateurs qui voient des films médiocres comme Jurassic Park ou Independence Day, ne trouvent rien d'autre à dire que "c'est bien fait" sous-entendu "c'est un bon film puisque les effets spéciaux sont réussis"... Et depuis le triomphe de Star Wars en 1977, les réalisateurs américains tentent de faire des films toujours plus spectaculaires pour décrocher la première place au Box-office. A cause de George Lucas, le merchandising à grande échelle montre les dents, les films deviennent un faire-valoir, une vitrine de luxe des jouets et autres gadgets, ces produits dérivés sont aujourd'hui au coeur des campagnes de lancement voire du financement du cinéma.
Nous ne disons pas que les progrès réalisés en matière d'effets spéciaux sont inutiles ou qu'il faut s'interdire de décliner un film sur d'autres supports mais quand le cinéma n'est plus qu'un échantillon de démonstration de la technologie numérique, quand les cinéastes deviennent les représentants de commerce d'un Luna Park planétaire, la création n'a plus sa place. Il ne suffit pas de dire du mal du dernier Star Wars, c'est le système Lucas dans son entier qu'il faut attaquer car l'homme d'affaire ne fait pas de films, il gère une boîte d'informatique. En consacrant leur une à ce non-événement, en ne portant pas de véritable regard critique sur le film, les journaux de cinéma comme Studio Magazine et Ciné Live, se font les complices de cette entreprise d'abrutissement du spectateur. Honte à eux.
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Septembre 1999. A Paris, dans les beaux quartiers, il est de bon ton de s'extasier sur le dernier film des frères Dardenne, Rosetta. Olivier Séguret de Libération crie même au chef-d'oeuvre. Comme d'habitude, la critique française se donne bonne conscience à bon compte en applaudissant un film à forte résonance sociale. Elle aime voir dans la rage de la jeune fille, "l'horreur économique", un monde impitoyable où trouver du travail relève de la croisade. Quel contresens. Le spectateur moins enclin à l'oeucuménisme social, verra surtout dans la hargne de Rosetta (Emilie Dequenne), une simple démonstration de sa jeunesse, d'un état où l'on ne fait rien à moitié, où l'on a de l'énergie à revendre, où l'on se dépense sans compter et fonce tête baissée. Il est surtout risible de remettre la Palme d'Or à des réalisateurs qui ne s'intéressent pas à la mise en scène et qui au fond n'aiment pas le cinéma. Choisir de filmer toutes les séquences caméra à l'épaule, relève du parti-pris, non d'une expression artistique. Luc et Jean-Pierre Dardenne se contentent de montrer une situation comme le ferait un journaliste, or au cinéma, tout est affaire de distance. Malheureusement, les réalisateurs ne projettent rien sur l'écran. ils ne portent aucun regard sur leur héroïne et sur son destin, ils n'expriment aucun point de vue. D'ailleurs, une fois le décor planté, il ne se passe plus rien à l'écran, Rosetta repète les mêmes gestes, elle tourne en rond et le film aussi. Croire qu'il suffit que la caméra bouge dans tous les sens pour capter la vérité des choses et des êtres, est une profonde idiotie. Jouer sur l'absence d'idées de scénario et la pauvreté de la réalisation comme d'une garantie d'authenticité, est une parfaite escroquerie.
Août 1999. Dans La Vie ne me fait pas peur, Noémie Lvovsky tente de faire revivre son adolescence à travers quatre copines inséparables. Malheureusement, la réalisatrice force la dose presque à chaque scène, elle tombe le plus souvent dans l'hystérie voire la névrose, la vérité des attitudes lui échappe complètement. Son film met plus d'une fois mal à l'aise tant les rapports humains chez Noémie Lvovsky, naissent et s'épanouissent dans la cruauté et la douleur. Impossible de se retrouver au milieu des cris et des révoltes de ces filles énervées... Le 13e guerrier est une ambulance. Le film de John McTiernan a été charcuté par Michael Crichton, l'auteur et producteur du long-métrage : on a devant les yeux, des bouts de scènes mais certainement pas un film. Crichton n'a gardé que les trois batailles entre les Vikings et les redoutables "mangeurs de cadavres", il ne reste donc qu'un squelette. Il manque la colonne vertébrale pour tenir l'ensemble, pour relier ces grandes séquences aux autres, toutes ces scènes charnières qui permettent de mieux appréhender les personnages et l'époque, d'installer une atmosphère et au spectateur d'entrer dans l'histoire. Le montage est si catastrophique qu'il pourrait être signé par un vidéaste amateur. Rien ne permet de dire que le 13e guerrier monté par McTiernan aurait été bien meilleur mais pire, c'est impossible. Le réalisateur a d'ailleurs renié le film avant même sa sortie en salles. Agnes Browne de Anjelica Huston appartient à la catégorie des films "modestes", de ces oeuvres qui se proposent de filmer la vie de tous les jours, de saisir les petits riens de l'existence et dont la réussite dépend pour beaucoup d'une subtile balance entre tragédie et comédie. Ici, les Browne tentent de survivre dans le Dublin des années 60, Anjelica Huston incarne une femme qui s'émancipe après la mort de son mari. Si cette famille ressemble à beaucoup d'autres filmées par des cinéastes anglais, on est assez vite séduit par la maîtresse de maison qui élève ces sept rejetons seule. Les scènes les plus réussies réunissent Agnes et sa meilleure copine, les deux amies retrouvent ensemble leur jeunesse, elles pouffent comme des adolescentes et se brouillent pour un rien comme des gamines.
Juillet 1999. La comédie est un art que Browen Hughes ignore. Avec Un vent de folie, le scénariste Marc Lawrence louche vers les comédies romantiques à la Katherine Hepburn et Cary Grant, ici c'est Sandra Bullock qui joue le rôle de la femme fatale qui fait perdre la tête de Ben Affleck, l'acteur incarnant une sorte de gendre idéal, gentil et coincé. Hélas, dans Un vent de folie, Sarah déclenche vraiment les catastrophes (climatiques) : incapable de déstabiliser le jeune homme par sa force de caractère comme dans les comédies américaines de la grande époque, c'est au sens propre que le gentil Ben est perturbé par la belle. Cette idée de scénario est vraiment révélatrice de l'impuissance de l'auteur à écrire des personnages qui ont une vraie personnalité, une vraie folie. Cette comédie manque en fait de l'essentiel, de rythme et de bons dialogues. Il ne se passe rien d'excitant dans leur périple, il n'y a aucune équivoque dans leurs rapports : Sarah et Ben se chamaillent mal, se confient mal, s'aiment mal. A scénario indigent, mise en scène sans éclat. Si La Dilettante plaît autant, c'est parce que cette comédie distille une philosophie de vie positive : Pierrette avance dans l'existence sans se poser de questions, sans réfléchir aux conséquences, prenant le plaisir là où il est et ça lui réussit. Elle est sans peur et sans reproches. Pascal Thomas nous fait découvrir une comédienne : loin de ses personnages de gentille idiote qu'on lui fait toujours jouer, Catherine Frot donne ici sa pleine mesure, elle traverse le film sur un nuage alors que les autres acteurs semblent, à ses côtés, cloués sur place.
Juin 1999. Little Voice de Mark Herman vaut surtout pour les séquences où l'actrice Jane Horrocks chante, sur la scène d'un cabaret de banlieue, les plus grandes voix : Judy Garland, Shirley Bassey, Marylin Monroe... Le reste du temps, sa timidité maladive et son air habité ne nous enchantent guère pas plus que Brenda Blethyn (Secrets et Mensonges) dans le rôle de la mère indigne. Comme à son habitude, l'actrice anglaise surjoue et gâche l'essentiel du film. Dans Mon père, ma mère, mes frères et mes soeurs, Charlotte de Turckheim réalise un comédie franchouillarde entre A nous les petites anglaises et les Bronzés. En moins bien. Les gags au ras des pâquerettes laissent souvent pantois. En direct sur Ed TV est trop prévisible pour nous intéresser avec cette histoire d'un américain qui se laisse filmer 24 heures sur 24 par la chaîne True TV. Après The Truman Show, l'amérique se montre obsédée par l'authenticité, le pays semble se demander comment dans un monde fondé sur les apparences, il est possible de retrouver la vérité des individus.
Mai 1999. Avec Tout sur ma mère, Pedro Almodovar signe son film le plus émouvant. Les femmes, toutes les femmes, ont droit à l'amour infini du cinéaste espagnol. Ses personnages sont toujours désespérément en quête de reconnaissance... Le Temps retrouvé de Raul Ruiz est un film aussi ennuyeux que l'oeuvre de Marcel Proust dont il s'inspire : le cinéaste a perdu toute sa fantaisie pour additionner des scènes vides et des dialogues creux, le tout dans une atmosphère compassée. On trépigne sur son fauteuil, attendant désespérement qu'il se passe quelque chose, qu'un peu de vie entre dans le décor, on a seulement droit à un défilé d'acteurs prestigieux. Le Temps retrouvé ne ressemble à rien, c'est bien là sa seule qualité mais aussi son plus grand défaut. Ce film n'est pas défendable pas plus que Pola X et pourtant la critique soutient le réalisateur avec cette idée en tête qu'il faut encourager des cinéastes de talent et des oeuvres originales. Les critiques se trompent de métier, on ne leur demande pas de faire de ciné-politique, de modeler la carte du cinéma français à leur convenance. A qui profite le crime ? Personne. Les spectateurs qui seront allés voir le film sur les conseils des journalistes, risquent fort d'être doublement déçus car les gens vont au cinéma pour voir des films. Si Pola X est si mauvais, c'est parce que Carax a cherché à placer son oeuvre dans un romantisme XIXe qui n'a plus lieu d'être à la fin de ce siècle. Carax confond trop souvent ambition et prétention, la critique aussi... La Patinoire devrait réconcilier les spectateurs avec le cinéma puisque Jean-Philippe Toussaint met en scène le tournage d'un film sur un mode burlesque, et nous fait redécouvrir le plaisir des gags visuels chers au cinéma muet.
Avril 1999. Le Derrière de Valérie Lemercier est une comédie au sujet original, au ton mi-boulevard, mi-grinçant. Tout n'est pas bon à prendre... Dans Jugé coupable, Clint Eastwood se ménage, il filme de A à Z un scénario bancal sans se poser de questions, il fonce tête baissée dans tous les obstacles. Seule une critique dévouée corps et âme au réalisateur s'acharne à défendre un film sans grand intérêt sous le pauvre prétexte que son personnage multiplie les incorrections : propension à boire, fumer et à tromper sa femme. Finalement, il en faut peu à la presse pour être contente. Dans ce jeu du politiquement correct, certains en rajoutent et voient dans son film, un formidable plaidoyer contre la peine de mort. Or interrogé par la revue Positif, le réalisateur dit clairement qu'il n'est pas opposé à la peine capitale dans le cas de crimes odieux comme celui récent de Jasper au Texas où un noir a été torturé à mort par des blancs. Ce fait divers raciste est raconté par Chantal Akerman dans son documentaire "Sud" présenté cette année à la quinzaine des réalisateurs. Cette même critique s'est crue intelligente de descendre en flamme, le dernier James Ivory, La Fille d'un soldat ne pleure jamais. Bien sûr, l'ambition du réalisateur est modeste puisque son film n'est qu'une suite de faits anecdotiques sur une famille américaine, mais après tout le réalisateur américain ne sait faire que ça, ces meilleures oeuvres comme Retour à Howards end valent essentiellement pour son habileté à faire vivre le quotidien... Romance de Catherine Breillat aura provoqué beaucoup de bruit pour rien. La cinéaste alterne le meilleur et le pire dans cette tentative de parler de la sexualité d'une jeune femme... Docteur Patch est incontestablement ce que l'Amérique sait faire de pire, quand elle rabaisse les émotions à un sentimentalisme de la plus pauvre espèce.
Cotten
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